moindre adj.
I.◆ (fam.) Faible, malingre ; maladif, affaibli, indisposé, amoindri dans ses forces. L’hiver l’a rendu tout moindre. Avoir l’air moindre, se sentir moindre. ⇒ badge.
1 « L’hiver, malgré sa puissance et sa rancune, se sent tout moindre ; l’hiver recule. Il se réfugie là-haut sous les vieux sapins, se terre en pleine
forêt poursuivi par le printemps qui le traque. » W. Dubois, En poussant nos clédars, 1959, p. 174.
2 « Mme Oin-Oin se sent toute chose, toute moindre. Elle se rend à la consultation du médecin de famille, le docteur Tavan. » E. Gardaz, Oin-Oin et ses nouvelles histoires, 1973, p. 37.
3 « Mais je cause, je cause, faudrait penser à faire à souper* pour mon homme ! Il est allé au docteur… il est tout moindre en ce moment… » A. Urfer, Urferama, 1976, p. 157.
4 « Les chirurgiens d’aujourd’hui vous endorment que c’en est une merveille. Pourtant,
au réveil, on se sent tout “moindre”. » G. Glasson, La Vie d’un crayon de braise, 1993, p. 31.
◇ Atteint moralement ; triste, piteux, déprimé. Il est plutôt moindre depuis qu’il a perdu son emploi.
5 « Ce pauvre vieux Oin-Oin, tout moindre, suit à pied le cortège funèbre qui conduit sa chère femme à sa, hélas ! dernière
demeure, si l’on peut dire. » E. Gardaz, Oin-Oin et ses nouvelles histoires, 1973, p. 107.
◇ (d’un inanimé) De peu d’importance ; négligeable.
6 « À l’heure où l’on manque de prêtres et où des paroisses se regroupent, cette décision
est vraiment surprenante, d’autant plus que les griefs formulés envers l’abbé J. sont
moindres. » Le Pays, 2-3 octobre 1976, p. 4.
II.◆
1.◆ (fam.) la moindre loc. adv. Un peu, un petit peu ; (en contexte nég.) ne serait-ce qu’un tout petit peu ; le moins du monde. Se reposer la moindre. J’en doute la moindre ; je n’en doute pas la moindre. Parlons
la moindre de vous. Ça sent la moindre le renfermé. Ça ne me contrarie pas la moindre.
On a dû attendre la moindre.
7 « Pour terminer sa passe de jongleur en beauté, janvier nous offre des jours la moindre plus longs, un petit, très petit fumet de printemps, surtout le soir […]. » W. Dubois, En poussant nos clédars, 1959, p. 191.
8 « Comme j’avais griffonné un petit billet sur janvier, j’ai pensé que février me prendrait
pour un rude pingre de ne pas parler la moindre de lui […]. » W. Dubois, En poussant nos clédars, 1959, p. 192.
9 « – Vous savez, j’arriverai bien seul… / – Non, je tiens à t’aider la moindre. » M. Métral, Les Racines de la colère, 1971, p. 175.
10 « Il est 3 heures du matin à La Chaux-de-Fonds. Oin-Oin longe l’interminable avenue
Léopold-Robert en titubant la moindre. » A. Urfer, Urferama, 1976, p. 120.
11 « Excusez-moi, je dois vous déranger la moindre. » Serveuse, env. 35 ans, 15 octobre 1977 (NE Bevaix).
12 « Mais, derrière sa cambuse, notre écolo orthodoxe a déraciné tous les vieux arbres
qui dépassaient la moindre. » Le Rai-Tiai-Tiai aidjolat [journal de carnaval, JU Ajoie], n° 18, 1995, p. 8.
13 « [cette année, on a vu :] Le Dom M., “chef” de la physio, se décider à améliorer la taille de ses biceps – ou d’en acquérir la moindre – en s’entraînant assidûment dans la nouvelle salle de muscu. » Le Rai-Tiai-Tiai aidjolat [journal de carnaval, JU Ajoie], n° 18, 1995, p. 20.
14 « C. lui dit alors : – Dis, R., puisque tu bégaies la moindre, tu enregistreras ton discours et tu le passeras en play back [sic]. » Le Rai-Tiai-Tiai aidjolat [journal de carnaval, JU Ajoie], n° 18, 1995, p. 31.
15 « – Vous vous rappelez encore des chapitres de Bible ? demandait Jeanne. – Oh ! bien
sûr que je m’en souviens. On en a assez eu pour qu’il en reste “la moindre”, reconnaissait Zidore. » A. Maillard, C’était au milieu du siècle, 1997, p. 87.
↪ V. encore s.v. grand-maman.
◇ La moindre de, un peu de, un petit peu de.
16 « […] amène le kirsch… la moindre de farine et regarde bien… c’est la recette du cuistot de la batterie 8, un type qui
s’y connaissait… » W. Dubois, En poussant nos clédars, 1959, p. 35.
II. 2.◆ (en fonction COD) loc. nom. La moindre (chose), la moindre des choses, un petit quelque chose. On va manger la moindre. Faire, gagner, rapporter la moindre.
17 « Dites-voir, qu’il a larmoyé votre collège, tâchez de faire la moindre pour moi… quelque chose à la bonne franquette, mais qui restera un jour lumineux,
un jour qui vous fera remarquer, comme à moi, que le temps a fui par delà la Trouée. » W. Dubois, En poussant nos clédars, 1959, p. 155.
18 « J’ai la moindre des choses sur mon carnet*, je n’y ai jamais touché. C’est en cas que. Mon chalet* ? On m’en a eu offert jusqu’à huit cents francs. » S. Chevallier, Ces Vaudois !, 1966, p. 105.
19 « Elle se rendra compte de ce qu’il faut travailler pour gagner la moindre. » RSR I, 28 août 1977.
20 « Cette mercerie ambulante, de très bonne qualité, satisfaisait les ménagères, soulagées
de pouvoir acheter à domicile. Le maintien de ce colporteur laissait supposer qu’il
réalisait de bonnes affaires. D’ailleurs, personne ne le laissait repartir sans lui
acheter “la moindre” pour marquer son passage. » M.-F. Schenk, Notre autrefois, 1993, p. 54.
21 « C’est la preuve que notre Armand sait mettre la main à la pâte quand ça rapporte la moindre. » Le Rai-Tiai-Tiai aidjolat [journal de carnaval, JU Ajoie], n° 18, 1995, p. 9.
◇ (en particulier) La moindre des choses, une consommation, un petit verre.
22 « J’aurais dû lui offrir la moindre des choses, murmura-t-il irrité. Eh bien, ma chère, où étiez-vous donc ? C’est fait, il s’en
va. Je regrette, j’aurais dû lui offrir un verre de pruneau*. » C. Colomb, Les Esprits de la terre, 1953, p. 138.
III.◆ le moindre, les moindres loc. pron. superl. Le pire, les pires.
23 « En Valais, dans les communes, beaucoup de responsables subissent une formation sur
le tas ; ce ne sont pas les moindres […]. » Tribune-Le Matin, 4 juin 1979, p. 4.
24 « Au propre, les Méditerranéens sont de piètres fumistes, et don Pelle était le moindre de tous. » Nouvelliste et Feuille d’Avis du Valais, 8 avril 1982, p. 8.
Localisation. I et II : 〈Suisse romande〉. III : 〈Canton de Vaud〉 (rare), 〈Canton du Valais〉 (fréquent).
Remarques. Les loc. c’est la moindre des choses, c’est le moindre de mes soucis appartiennent au français général et ne représentent pas des particularités régionales ;
toutefois, l’ellipse du complément, attestée sporadiquement en Suisse romande, constitue
bel et bien un fait marqué : « Assieds-toi ! C’est la moindre. » A.-L. Chappuis, L’Enfant d’une autre, 1975, p. 49 ; « Elle était descendue dans le pré, le soir, pour voir s’il y avait encore quelque chose
à faucher. / – Mais rien, pas la moindre… Ça fait trois ans qu’on a plus mis de fumier. » C. Bille, Forêts obscures, 1989, p. 77-78.
Commentaire. I est attesté depuis 1820 en français régional (Gaudy), et depuis 1866 en patois (vaud. meindro “maigre, fluet, valétudinaire” Bridel ; cf. encore DubouxGenton 1981 s.v. meindro, moindro et Évolène mèïndro “moins bien, en parlant de la santé, de la qualité de qch” FollonierOlèïnna). Des reflets de mĬnor avec le sens de “faible, chétif” sont attestés dans plusieurs parlers galloromans ; en plus de la Suisse romande,
on en relève en Wallonie (v. FrancardBastogne 1994 s.v. mwinre), Normandie, Bourgogne, Champagne, Lorraine (où leur densité est maximale), Savoie,
ainsi qu’en bas-limousin (v. FEW). En français régional toutefois, seule la Suisse romande et la Savoie semblent avoir perpétué cet emploi.
— II est attesté depuis 1922 (fasc. III de Pier) en Suisse romande, mais on le rencontre
déjà en 1902 en Savoie, dans le dialecte d’Annecy. En français régional de France, on a relevé le sens part. de “petit rafraîchissement, petit verre” dans le Doubs (Grand’Combe) et en Savoie. Ces données sont à ajouter à FEW 6, II, 123b, mĬnor I 1 auprès de Annecy mwêdrâ “petite dose”. — III est attesté depuis 1932 (« mes agents me disaient qu’on la rencontrait avec les moindres du quartier » B. Vallotton, Pendant la fête, p. 116). Il s’agit sans aucun doute d’un calque de l’emploi dialectal correspondant,
abondamment attesté dans plusieurs sources valaisannes (BjerromeBagnes 1957 ; FavreSavièse
1960 ; MüllerMarécottes 1961 ; SchüleNendaz 1963), mais qui manque aussi dans FEW loc.
cit.
Bibliographie. GaudyGen 1820, 1827 ; GuilleNeuch 1829-32 ; PeterCacol 1842 ; HumbGen 1852 ; CalletVaud
1861 ; GrangFrib 1864 ; BonNeuch 1867 ; « Annecy mwêndrâ n. f. “petite dose” » ConstDésSav 1902 ; Pier s.v. chose 2° et moindre ; « la moindre des choses “un petit rafraîchissement” » BoillotGrCombe 1929 ; GPSR 4, 16b s.v. chose 5° 2 ; FEW 6, II, 123ab, mĬnor I 1 ; IttCons 1970 (> DFV 1972, CuenVaud 1991) ; « adj. “mesquin, chétif” ; n. f. “petit verre” » ; GuichSavoy 1986.
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