[avoiner]
Commentaire. Dérivé de avoine; en France, le mot est attesté çà et là en français rural et en patois (aussi connu dans les dialectes de Suisse romande, v. GPSR). La plus ancienne attestation (exception faite d’afr. avoiné “nourri d’avoine”, hapax dans Lacurne) de avoiner v. tr. (avec les sens de “repaître, régaler; exciter, donner du courage; donner des horions”) provient du Glossaire du Centre de la France de Jaubert (1864), et ce malgré TLF 3, 1129a qui donne P. Martellière, Glossaire du Vendômois 1893 comme première attestation. TLF et GR donnent le mot comme argotique et régional, mais sans préciser. L’ensemble des attestations (patoises et de fr. rég.) relevées dans les ouvrages consultés permet de tracer une aire en forme de large ruban traversant l’espace galloroman en diagonale, du Calvados à la Savoie. Le mot est en outre donné sans marque régionale de LarS 1907 à Lar 1948 (“mettre au régime de l’avoine”). — JaubertCentre 1864; BeauquierDoubs 1881; MartVendôme 1893; VerrOnillAnjou 1908; FEW 1, 187b et 25, 1212-1213a, av ?na; LarS 1907, Lar 1928, Lar 1948; HFillRDagSologne 1933; GPSR 2, 159b s.v. avoiner; TLF 3, 1128b-1129a s.v. avoiner et avoiné; ALFC q. 595*; DialBourg 4; GR 1985; RobFerrVincenot 1985; DromardFrComt 1991; ColinParlComt 1992; DuchetSFrComt 1993; TamineChampagne 1993; FEW 25, 1212ab, AV ?NA I 2 f β.

[clédar]
Commentaire. Première attestation avec le sens moderne : 1716 (VD Morges). Mot plus répandu en français régional que dans les dialectes, où l’on employait plutôt le type dǝlḗ̩zǝ (v. GPSR); en plus de la Suisse romande, on le trouve aussi attesté dans le Doubs, le Haut-Jura, en Haute-Savoie et dans la région lyonnaise (cf. Pilat cladard, clédard, cléderd “porte de clôture d’un pré”). Sur le maintien (non attendu en francoprovençal) du -d- intervocalique dans ce mot appartenant à la famille de fr. claie, on a proposé l’hypothèse d’un emprunt à des parlers galloromans méridionaux (Gauchat), ainsi que celle d’une latinisation très tardive de ce mot d’origine gauloise (Hubschmied); FEW et GPSR citent les deux hypothèses sans prendre parti. Selon GPSR, « la terminaison a été généralement assimilée, en patois comme en fr. rég., à celle des mots en -ard »; néanmoins, les graphies en -ar s’avèrent plus fréquentes. On trouve d’autres représentants de cette famille en français régional de France : d’abord le simple, cf. Mure (Isère) clada n. f. “portillon à claire-voie”, Velay clède n. f. “barrière”, Provence clède n. f. “claie”; puis des suffixés en onem, cf. Mariac (Ardèche) clidou n. m. “portillon à claire-voie”, Velay cledou, clidou n. m. “id”. — MolardLyon 1803; DeveleyVaud 1808, n° 298; Dumaine 1810, p. 221; GaudyGen 1820, 1827; DeveleyVaud 1824; GuilleDial 1825, p. 57, 77; PeterVoc 1828; PeterCacol 1842; HumbGen 1852; CalletVaud 1861; GrangFrib 1864; BonNeuch 1867; LittréSuppl; DupertuisVaud 1892; PuitspeluLyon 1894; Lar 1900, 1929; ConstDésSav 1902 s.v. clĭà; GauchatR 1907, p. 874; WisslerVolk 1909; Pier, PierSuppl; CollinetPontarlier 1925; BoillotGrCombe 1929; J. U. Hubschmied, “Ausdrücke der Milchwirtschaft gallischen Ursprungs”, VoxR 1 (1936), p. 100; FEW 2, 778a, cl ?ta 2; ALLy 852; GPSR 4, 105b-106b; ZumthorGingolph 1962, p. 259; IttCons 1970; Voillat 1971, p. 235; DFV 1972; ALFC 165*; TLF; ChuardVaud 1979; Pid 1983, 1984; PR dp. 1984; GR 1985; DurafHJura 1986; GrafBern 1987; MartinPilat 1989 s.v. cladard (« milieu agricole masculin patoisant »); DucMure 1990 s.v. clada; BlanchetProv 1991 s.v. clède; MazaMariac 1992 s.v. clidou; FréchetMartVelay 1993 s.v. clède, cledou; NPR 1993; RobezMorez 1995; OffScrabble 1995.

[costume de bain]
Commentaire. Le syntagme costume de bain, d’un usage encore tout à fait courant en Suisse romande et au Québec, est donné comme « vieilli » dans NPR 1993 (c’est également le sentiment linguistique de M. Francard pour la Belgique; comm. pers., 14 août 1996). GLLF 1972 et GR 1985 ne le mentionnent pas; TLF ne le cite que dans la syntagmatique, sans exemples ni marques, avec un renvoi à maillot de bain. Il semble en effet être relativement rare en France, en particulier dans les trente dernières années, mais mériterait tout de même une meilleure représentation dans la lexicographie française : dans Frantext, on trouve vingt-trois attestations de costume(s) de bain, de 1867 à 1972, se répartissant comme suit : H. Taine, 1867; E. Zola, 1871, 1872, 1884 (trois fois), 1886; J. Renard, 1887; H. Bataille, 1904; A. Maurois, 1918; M. Proust, 1918, 1922; G. Duhamel, 1937 (deux fois); P. Drieu La Rochelle, 1937; E. Triolet, 1945 (deux fois); B. Cendrars (originaire de Suisse romande), 1948; H. Bazin, 1950; S. de Beauvoir, 1954, 1958; R. Sabatier, 1972 (deux fois). À titre de comparaison, caleçon(s) de bain n’est attesté que dix fois (de 1883 à 1980), mais maillot(s) de bain est attesté trente-huit fois (de 1918 à 1985; la forme abrégée maillot est probablement encore plus fréquente). — À aj. à FEW 2, 1092b, consu ?tŪdo II 3. — TLF; Had 1983; Pid 1983, 1984; Nic 1987, 1990; DFPlus 1988; DQA 1992; NPR 1993; ThibQuébHelv 1996, p. 337.

[déménageuse]
Commentaire. Innovation suisse romande; dér. de déménager, suff. -euse. Attesté pour la première fois en 1881; désigne alors un véhicule hippomobile servant aux déménagements, v. GPSR. Le sens de “voiture d’ambulance” a été relevé en 1921 dans l’argot des soldats suisses romands. La première attestation référant à un véhicule automobile remonte à 1937 (Guy de Pourtalès cité dans GR). — À aj. à FEW 6, I, 192b, man ?re 1 2 c β. — RouxArgSold 1921; GPSR 5, 286a; TLF s.v. déménageur; GR 1985; PLi dp. 1989; OffScrabble 1995; GR 2001.

[dérupe]
Commentaire. Première attestation : 1861. Dialectalisme : transposition en français régional du patois déru̩pa n. f., de même sens. — CalletVaud 1861; FEW 10, 577ab, rŪp ?s I 2 b; IttCons 1970 (> DFV 1972, CuenVaud 1991); GPSR 5, 443b s.v. déru̩pa; Pid 1983, 1984; OffScrabble 1995.

[énuquer]
Commentaire. Première attestation : 1867. Dialectalisme (v. GPSR). Parasynthétique formé sur nuque; type également attesté dans le français régional de Franche-Comté. — BonNeuch 1867; BoillotGrCombe 1929, p. 157; Pier; FEW 19, 141a, nua ? 2; SchüleListeLar 1978; Lar 1979; PLi dp. 1980; GPSR 6, 532b s.v. ènukā̩; « très usuel » DurafHJura 1986; GrafBern 1987; ChapuisMots 1988, p. 14; DromardFrComt 1991; OffScrabble 1995.

[éplaner]
Commentaire. Première attestation : 1398 (esplenez, v. Pier). Dialectalisme. Selon GPSR, à rattacher à Ollon pyãna n. f. “rameau inutile de la vigne” (FEW 8, 119a, pĔdĀneus I 7); le mot est mal classé dans FEW 9, 61a, pl ?nus I 1. — DupertuisVaud 1892; WisslerVolk 1909; OdinBlonay 1910, p. 149a; Pier; GPSR 6, 631b s.v. èpyanā̩ 1; IttCons 1970 (> DFV 1972).

[hoirie]
Commentaire. Au sens 1, le mot est un archaïsme (déjà donné comme « vieilli » dans DG 1895) qui s’est maintenu en Suisse romande. Le sens 2 semble représenter une innovation (par métonymie); il n’est pas attesté dans la lexicographie française. — FEW 4, 412b, h ?res I; TLF; GR 1985; PLi 1989; GR 2001.

[Jeûne]
Commentaire. Une coutume religieuse appelée jeûne est attestée depuis le début du xviiie s. (en part. à Neuchâtel, v. Pier), mais ce n’est qu’à partir de 1832 que le jour en est fixé au troisième dimanche de septembre pour toute la Suisse. Statalisme; correspond à l’all. eidgenössischer Dank-, Buss- und Bettag n. m., à l’ital. digiuno federale et au rom. festa da la rogaziun federala n. f. — Synt. à aj. à FEW 5, 33a, j ?jŪnare. — Pier; DudenSchweiz 1989; PLi 1989; GPSR 7, 223b s.v. fédéral 1° 3 a; PledariGrond 1993.

[lieutenant]
Commentaire. Statalisme; emploi particulier à l’armée suisse d’un mot du français général. Première attestation du mot en Suisse romande : 1695 (« les Lieutenans & les Enseignes iront à la queüe deux pas plus éloignés que les Halebardiers » dans Exercice militaire pour les subjets du Pais de Vaud de leurs excellences de Berne paru en reprint dans le Bulletin de l’Association suisse pour l’étude des armes et armures n° 11, mars 1977, p. 17). Correspond à l’all. Leutnant n. m. et au rom. litinent n. m. — Emploi à aj. à FEW 13, I, 216ab, tĔn ?re I 2 f. — SchüleListeLar 1978; TLF; PledariGrond 1993.

[loin]
Commentaire. Premières attestations : en France, 1803 (« être loin “être parti” » Molard); en Suisse, 1820 (id., Gaudy); 1825 (« jeter loin » “se défaire de” Guillebert); 1911 (« être loin » “être mort”, C.-F. Ramuz, Aimé Pache, p. 272 de l’éd. de 1967); v. encore Pier pour de nombreux ex. de locutions verbales. Dialectalisme; bien que souvent considéré par les puristes (Plud’hun, Dudan) comme un germanisme à proscrire (de l’all. weg ou fort), l’existence d’emplois identiques ou très proches en fr. rég. de Lyon, de la Grand’Combe (Doubs), de la Savoie et du Val d’Aoste oblige à écarter l’hypothèse d’un calque de l’allemand. L’ensemble de constructions parfaitement parallèles relevées dans les parlers romands (v. OdinBlonay s.v. viya) suggère en fait que nous avons sans doute affaire à des calques du patois. La correspondance entre le terme de fr. rég. et le terme dialectal semble d’ailleurs être présente dans la conscience métalinguistique de certains locuteurs, comme en fait foi cette citation de M. Chappaz où l’on retrouve les deux adverbes côte à côte en fonction d’apostrophes injonctives : « Et loin, via, via ! » (Le Match Valais-Judée, 1968, p. 45). — La loc. être loin “être parti, absent” est donnée sans marque diatopique comme appartenant au « nfr. » dans le FEW, mais avec comme seule référence le témoignage d’A. Bonnerot et J. Magnenat, collaborateurs romands au FEW. La loc. jeter loin y est, pour sa part, identifiée correctement comme vaudoise et genevoise par, resp., M. Bossard et J. Magnenat. — MolardLyon 1803; GaudyGen 1820; GuilleDial 1825, p. 69, 83a; GuilleNeuch 1829-32; PeterCacol 1842; HumbGen 1852; CalletVaud 1861; GrangFrib 1864; BonNeuch 1867; PludFranç 1890, p. 4 et 16; PuitspeluLyon 1894; OdinBlonay 1910, p. 638b s.v. viya; Pier; « jtœ̨̄́ lwẽ́ » BoillotGrCombe 1929, p. 210; DudanFranç2, p. 22; DudanFranç4, p. 85; DudanPaille 1948; Redard 1954, p. 130; FEW 5, 403ab, lŎng ?; MeijerEnq 1962, p. 14, 48, 62, 137; Voillat 1971, p. 228; MartinAost 1984; GuichSavoy 1986; « des sous à fout [sic] loin » DondaineMadProust 1991, p. 67; Lengert 1994; SkupienPurisme 1994.

[lutrin]
Commentaire. Première attestation : 1946, Alice Rivaz, Comme le sable, p. 136, 137, 183, 194. Connu également en Belgique (comm. pers., Laurent Robert; Michel Francard) et au Québec (DFQMs). L’existence du mot dans la francophonie périphérique laisse supposer qu’il s’agit d’un archaïsme, jamais pris en charge par la lexicographie française; dans l’usage central, lutrin semble avoir subi la concurrence de pupitre, mot qui désignait à l’origine une plate-forme d’où l’on faisait des déclamations, puis, par métonymie, le support du texte déclamé (métonymie attestée depuis le xive s. et originaire du centre, du nord et de l’est du domaine d’oïl, v. FEW). M. Viollet-Le-Duc, dans Dictionnaire raisonné du mobilier français, 1872, p. 175 sqq. ne connaît pas l’emploi du mot pour désigner un lutrin de musicien et déplore que le lutrin en tant que pupitre sur pied pour consulter les ouvrages de grande taille ait cessé d’être en usage en France. — À ajouter à FEW 5, 235b, l ?ctŌrium — Alpha 1982; ThibQuébHelv 1996, p. 357.
■ [S. Q.]

[peser]
Commentaire. Première attestation : 1946 (« Elle sortit dès qu’elle fut prête, entra dans l’ascenseur. Et dès qu’elle eut pesé sur le bouton du rez-de-chaussée, elle se sentit une autre » A. Rivaz, Comme le sable, p. 197). Extension d’emploi à partir de frm. peser sur, contre “appuyer fortement, exercer une poussée, une pression” (v. TLF s.v. peser III A 1). L’emploi suisse romand s’en distingue en ce qu’il n’implique pas une idée de force. On relève à Nantes et au Canada des emplois tout à fait comparables : cf. peser sur le bouton (1960, v. BrasseurNantes 1993); canad. peser sur la switch (1930, fichierTLFQ), peser sur un bouton (« cour. » DFPlus 1988), elle pèse sur une touche du clavier (sans marque, DQA 1992); cf. encore canad. peser sur le champignon “appuyer sur l’accélérateur” (aussi connu à GE selon un de nos témoins), peser sur le gaz “id.” (tous les deux TLF loc. cit.; « fam. » DQA 1992; déjà 1949, fichierTLFQ). Si les attestations de Nantes et du Canada peuvent être apparentées, en raison des liens historiques qui unissent le Québec et l’Ouest français, rien n’indique toutefois qu’elles aient un lien génétique avec l’usage romand, qui pourrait représenter une évolution parallèle indépendante. — À aj. à FEW 8, 189b, p ?nsare I 1, à la suite de « nfr. peser sur “appuyer fortement sur qch, faire sentir son poids” (seit Mon 1636) ». — MeijerEnq 1962, p. 74, 137; IttCons 1970, p. 241; Pid 1983, 1984; Had 1983; Nic 1987; ArèsParler.

[pétouiller]
Commentaire. Première attestation : 1824 (v. Pier). Dér. de péter, suff. -ouiller. En dehors de Suisse romande, le type est également bien attesté en Franche-Comté, dans les patois comme en français régional (v. FEW et bibliographie ci-dessous). — BonNeuch 1867; CarrezHJura 1901; RouxArgSold 1921; Pier; CollinetPontarlier 1925; BoillotGrCombe 1929, p. 239; FEW 8, 137b, p ?dĬtum 1 b; IttCons 1970 (> DFV 1972, CuenVaud 1991); « région. (Suisse) » GR 1985; « région. (Suisse) » TLF; DurafHJura 1986; « Suisse » PLi dp. 1989; DromardFrComté 1991; RobezMorez 1995; « helv. » OffScrabble 1995; GR 2001.

[plaire (à bien -)]
Commentaire. Première attestation : 1910 (Odin). Innovation du langage juridique romand (sporadiquement passée dans les patois), d’usage largement répandu en Suisse, et même considérée comme acceptable par certains puristes (FichFrBE). — À aj. à FEW 9, 1b-2a, plac ?re I 1 a. — OdinBlonay 1910, p. 423a; Schoell 1936, p. 90; GPSR 3, 479b (chemin à bien plaire); FichFrBE n° 225, février 1965; PLi dp. 1989; Lengert 1994; Z. Marzys, VoxR 55 (1996), p. 335 (compte rendu de Lengert 1994).

[poussine]
Commentaire. Plus anciennes attestations du type lexical en SR : 1770 (sous la forme patoise pougene), v. Pier; 1820 (pussine), v. Gaudy; 1861 (poussine), v. Callet. Calque de la forme patoise correspondante (et non archaïsme, malgré afr. pucine dans Renart, tout à fait isolé; v. FEW). Dans les patois, en plus de la Suisse romande, le type est attesté en Saône-et-Loire, en Côte-d’Or, dans le Doubs, en Haute-Savoie, en Savoie, dans l’Ain et le Puy-de-Dôme; en français, son extension est plus limitée : on le relève en Suisse romande, en Franche-Comté et en Savoie (la mention « Dauphiné » dans GR et TLF n’est pas confirmée par les nombreux glossaires couvrant cette région). — « pussine » GaudyGen 1820, 1827; « pussine » HumbGen 1852; « poussine, pussine » CalletVaud 1861; « poussine » BonNeuch 1867; « pucine » WisslerVolk 1909; « pussine » OdinBlonay 1910; « poussine, pussine » Pier; « [pusin] n. f. “petite poule” » BoillotGrCombe 1929, p. 252; FEW 9, 527a, pŬllĬc ?nus I 2; « poussine » SchüleNendaz 1963; « pussine » IttCons 1970 (> CuenVaud 1991); « poussine » SchüleListeLar 1978; « poussine » Lar 1979; « poussine » PLi dp. 1980; « poussine régional (Suisse, Savoie, Dauphiné) » GR 1985, 2001; « poussine, pussine » DurafHJura 1986; « poussine » GuichSavoy 1986; « pussine » GrafBern 1987; « poussine région. (Suisse, Savoie, Dauphiné) » TLF; « poussine, pussine » DromardFrComté 1991; « poussine » OffScrabble 1995.

[premier-lieutenant]
Commentaire. Statalisme; innovation romande, comp. de premier adj. et lieutenant n. m., peut-être par calque de l’all. Oberleutnant n. m., qui est la désignation équivalente en all. de Suisse. L’ital. de Suisse connaît primo tenente n. m. PledariGrond propose primlitinent et primtenent comme équivalents romanches. Première attestation au fichier CD : 1914 (C.-F. Ramuz, Journal, éd. 1968, p. 239; déjà 1902 selon Lengert 1994, mais sans références). — Manque à FEW 13, I, 216ab, tĔn ?re I 2 f. — SchüleListeLar 1978; Lar 1979 s.v. lieutenant; PLi dp 1981 s.v. lieutenant; GR 1985, 2001; PledariGrond 1993; Lengert 1994.

[quitte]
Commentaire. Première attestation : 1901 (« [...] ils seront quitte [sic] de descendre la rue de la Justice » Mardi gras [journal de Carnaval, JU Porrentruy], 1901, p. 2). Attesté en Suisse romande ainsi que çà et là en Franche-Comté (connu entre autres à Ronchamp, J.-P. Chambon, comm. pers.) et en Belgique, cet emploi se rapproche beaucoup de certains emplois du français de référence; cf. par ex. TLF s.v. quitte C 3, qui glose être quitte de (faire) qch par “avoir fini de; ne plus avoir à (faire qch); en être débarrassé”. L’exemple cité par TLF est toutefois différent de l’emploi romand (« il serait bon d’être quitte avant le 1er juillet »). — Étonnamment considéré comme seulement jurassien dans Pid 1984, alors que plusieurs témoins l’attestent ailleurs en SR; il figure entre autres dans la métalangue définitionnelle de FollonierOlèïnna, dictionnaire du patois d’Evolène (VS), qui glose kîtho, -a par “quitte de faire un travail”. — À ajouter à FEW 2, II, 1472b, qui ?tus II 1 b. — « j’s’rai quitte d’y aller » BoillotGrCombe 1929, p. 190; « Prenez un taxi, vous serez quitte de marcher » Défense du français n° 128, mars 1973; Pid 1984, p. 171; « on était quitte de s’habiller » DuchetSFrComté 1993; « vous serez quitte de leur écrire » Belg 1994.
■ [S. Q.]

[raisinet]
Commentaire. Première attestation : 1825 (GuilleDial). Dialectalisme; type attesté dans les parlers des Vosges, d’Alsace romane, de Suisse romande et de Provence (v. FEW). En fr. rég., on ne le relève qu’en Suisse romande. Dér. sur raisin, employé çà et là dans l’est galloroman pour désigner les groseilles à grappe à cause de l’analogie de forme entre les deux fruits (« Die neue frucht wurde weit herum wegen ihrer traubenförmigen anordnung mit den vertretern von rac ?mus oder deren diminutiva benannt. » FEW 10, 14b, note 9). — GuilleDial 1825, p. 52, 78; GuilleNeuch 1829-32; GrangFrib 1864 s.v. resenet; BonNeuch 1867; Gdf 6, 565a; Pier; BiseHBroye 1939, p. 201; FEW 10, 13a, rac ?mus 2 a; PLi dp. 1989; Lengert 1994; OffScrabble 1995.

[réjouir (se -)]
Commentaire. En français de France (et du Canada), se réjouir fait presque toujours référence à des événements présents ou passés (cette précision, jamais explicitement fournie par les dictionnaires, peut toutefois se déduire des exemples donnés). En français de Belgique et de Suisse, en revanche, le verbe renvoie le plus souvent à des événements à venir : je me réjouis de terminer ne peut être énoncé que par une personne qui n’a pas encore terminé (sinon, on dirait plutôt je suis content d’avoir terminé, ou quelque tournure équivalente avec verbe à l’infinitif passé). Cet emploi est signalé par Ac 1798-1878 (« Je me réjouis de lui apprendre cette bonne nouvelle. Je me réjouis de l’aller voir. »), mais il semble bien être tombé en désuétude en France (malgré FEW 4, 77b, gaud ?re I qui le donne sans marque). — L’all. sich freuen pourrait avoir joué un rôle dans le maintien de cet archaïsme en Suisse romande; toutefois, il peut tout aussi bien renvoyer à des événements présents que futurs, selon qu’on l’emploie, respectivement, avec la prép. über ou avec la prép. auf. — PierSuppl; Hanse 1983, 1987; Défense du français n° 283 (octobre 1988); Belg 1994.

[repourvoir]
Commentaire. Premières attestations : 1609 (reprourvoir), 1610 (repourveues part. passif), v. Pier; 1810 (repourvoir), Dumaine. Innovation de la langue administrative, également passée dans les patois. La forme repourvoir est attestée en moyen français avec le sens de “ravitailler; réédifier” (v. Gdf > FEW), et une fois en français moderne avec le sens de “pourvoir à nouveau” (v. LittréSuppl 1877), qui rappelle quelque peu l’emploi classé sous 2, mais on ne la trouve jamais en dehors de Suisse romande avec le sens classé sous 1. — Dumaine 1810, p. 257; DeveleyVaud 1824; GuilleDial 1825, p. 81a; PeterVoc 1828; GuilleNeuch 1829-32; PeterCacol 1842; CalletVaud 1861; GrangFrib 1864; Bridel 1866 s.v. reporvai; BonNeuch 1867; OdinBlonay 1910, p. 483a; Pier; FEW 9, 484b, prŌvĬd ?re I; IttCons 1970; SchüleListeLar 1978; FichFrBE n° 432 (septembre 1979); Lar 1979; PLi dp. 1980; GR 1985 et 2001 (où la première datation « mil. xixe s. » est erronée); Lengert 1994; OffScrabble 1995; Défense du français (fiche sans date).

[thé]
Commentaire. Premières attestations : 1829-32 (thé de Suisse “plantes vulnéraires, cueillies dans les montagnes et desséchées” GuilleNeuch 1829-32); 1861 (thé de violettes, de lierre terrestre, CalletVaud); 1864 (thé de camomille, thé de mauves, GrangFrib); 1945 (« la directrice qui buvait en cachette du thé noir en soutenant de la main gauche sa vaste poitrine » C. Colomb, Châteaux en enfance, p. 183). Cet emploi, également courant en Belgique et en Alsace, est stigmatisé comme germanisme par certains puristes (Déf., du fr., Arès). Or, si l’allemand Tee n. m., qui désigne aussi les tisanes, a probablement contribué à son maintien et à sa diffusion, l’emploi du mot thé en français de France pour désigner par ext. différentes plantes à infusion n’est pas inconnu (v. FEW, GR 1985, TLF). Sa fortune dans certaines régions s’explique peut-être par la connotation trop médicale ou pharmaceutique des équivalents tisane et infusion. J. Gilliéron note en 1922 que le mot tisane « en Suisse et en Belgique, et probablement aussi dans plus d’une province de France, est un mot qui n’est pas employé par le peuple ». Pour un phénomène comparable, cf. bouteille “biberon” (v. bouteille à la nomenclature). — L’emploi romand est à aj. à FEW 20, 111b-112a, t ?h. — CalletVaud 1861; GrangFrib 1864; OdinBlonay 1910, p. 74b s.v. buno̩mo et 328a s.v. makoré̩ (dans la métalangue définitionnelle); J. Gilliéron, Les étymologies des étymologistes et celles du peuple, Paris, Champion, 1922, p. 1-3; Voillat 1971, p. 227; Défense du français n° 136, janvier 1974 et n° 310, mai 1991; Hanse 1983, 1987 (> « en Belgique » GR 1985, 2001, TLF); WolfFischerAlsace 1983; MassionBelg 1987; « Belgique, Suisse » PLi dp. 1989; « um Tee (3) u. Tee (4) zu unterscheiden, wird Tee (3) oft schwarzer Tee u. Tee (4) Kräutertee genannt » LangenscheidtGroß 1993; ArèsParler 1994; Belg 1994.

[torailler]
Commentaire. Première attestation : 1861 (Callet). Dér. de toraille n. f. “fumée épaisse” (v. Pier), aujourd’hui désuet, appartenant à la famille des descendants de lat. tŎrr ?re (⇒ torrée). Type également attesté (avec des variantes suffixales) dans le Doubs et le Jura français, dans les parlers comme en français régional. — CalletVaud 1861; BonNeuch 1867; WisslerVolk 1909; Pier; « tourailler » CollinetPontarlier 1925; FEW 13, II, 108a, tŎrr ?re I 1 a; « torailler, toratzer » IttCons 1970; Voillat 1971, p. 230; BourquinPays 1985, p. 72; « to(u)racher » DurafHJura 1986; GrafBern 1987; « to(u)rracher » RobezMorez 1995; PLi 1998 s.v. torrailler (cet hapax graphique ne reflète pas l’usage, bien qu’il se justifie du point de vue de l’étymologie).

[torrée]
Commentaire. Première attestation : 1867, avec le sens de “bouffée, colonne de fumée épaisse” (BonNeuch); 1881, avec le sens de “feu de berger, ou en général feu allumé en plein air et de moyenne grandeur” (v. Pier). Ce sens est aujourd’hui vieilli (« Au jardin, les déchets de toutes sortes laissés à même le sol après le passage de la neige étaient rassemblés et brûlés. Cette torrée annonçait le départ des travaux du printemps. » M.-F. Schenk, Notre autrefois, 1993, p. 24); le mot désigne désormais, par métonymie, le rituel culinaire et ludique et non le feu lui-même. Dérivé appartenant à la famille des descendants de tŎrr ?re ⇒ torailler). En France voisine, on ne relève qu’une attestation de ce type lexical, dans le patois de la Grand’Combe (Doubs) : cf. turẹ́ n. f. “tourbillon de fumée” (v. FEW). — BonNeuch 1867; WisslerVolk 1909; Pier; FEW 13, II, 107b, tŎrr ?re I 1 a; Pid 1984, p. 172; PLi dp. 1989; Lengert 1994 (qui donne 1948 comme 1re att. du sens de “espèce de fête en plein air”, mais sans aucune réf. textuelle); OffScrabble 1995.

[traluire]
Commentaire. Première attestation : 1761 (traluisant, v. Pier). Spécialisation sémantique d’un type issu de trans + lŪc?re, déjà attesté en ancien et en moyen français sous la forme tre(s)luire, et bien représenté dans plusieurs parlers galloromans (de la Belgique à Toulouse), le plus souvent avec le sens de “luire, briller” (v. FEW). Le sens de “devenir translucide (en parlant du raisin)” n’a été relevé qu’en SR, dans les patois comme en fr. rég. — CalletVaud 1861; « Chambéry traluire “reluire” » ConstDésSav 1902; WisslerVolk 1909; OdinBlonay 1910, p. 577; Pier; FEW 5, 431a, lŪc ?re I 1; IttCons 1970 (> DFV 1972, CuenVaud 1991); PLi 1998.